Communiqué
de l’association SMT et du SMG, le 11 mai 2018
Par une décision en date du 4 mai
2018, le médecin du travail Karine Djémil vient d’être condamnée
à 6 mois d’interdiction d’exercice dont trois fermes, en appel
par la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins,
pour avoir donné des soins médicaux à plusieurs femmes harcelées
sexuellement du fait de leur travail.
Son exercice médical clinique compréhensif vis-à-vis des victimes,
trop peu fréquent aujourd’hui, est très durement sanctionné,
alors que ses pairs lui reconnaissent ici une pratique exemplaire
dont elle a rendu compte précisément lors de l’audience d’appel.
Ainsi aucun médecin ne pourrait plus
sur la base de son examen clinique, prendre en charge une victime de
harcèlement sexuel ou moral dans une entreprise, sous peine
d’interdiction d’exercice ! En
effet la chambre nationale disciplinaire de l’ordre des médecins a
considéré que ce médecin aurait délivré un rapport tendancieux
puisqu’il n’aurait « pas
constaté des faits précis permettant d’en déduire l’existence
(de harcèlement sexuel) avec suffisamment de vraisemblance ».
Et pourtant les deux employeurs en cause n’ont pas saisi le
procureur de la république pour dénonciation calomnieuse de peur
d’une enquête objective et contradictoire.
La chambre disciplinaire de l’ordre
des médecins a refusé d’entendre une victime présente pour cela
à l’audience et n’a vérifié aucun fait. Malgré
cela elle
accuse le Dr Djémil d’avoir violé le secret médical, alors que
celle-ci a déployé une « alerte
médicale collective »
réglementaire proportionnée à la gravité des faits et à
l’inertie des employeurs.
C’est l’ordre des médecins qui
créée les conditions du non-respect du secret médical en recevant
les plaintes d’employeurs !
Pour prendre en charge
médicalement les victimes, le médecin doit investiguer les liens
professionnels à l’origine de leurs pathologies.
L’ordre l’interdit !
Les victimes sont privées ainsi de leurs droits à réparation !
Une première dans cette décision :
le premier jugement concernant le Dr Djémil a été annulé pour
« atteinte au
principe général du secret des délibérations »
du fait de son président qui considérait que le médecin mis en
cause « a
interprété des faits et attitudes anodins en leur prêtant une
connotation sexuelle assez délirante »,
et celle-ci avait dû subir l’humiliation d’une expertise
psychiatrique pour vérifier son état mental ! Preuve de la
misogynie de cette institution.
Mais la chambre disciplinaire
n’a pas transmis ces éléments d’une extrême gravité au
procureur de la république ! Et il a infligé la même peine
que la chambre régionale !
Le code de déontologie médicale
prescrit dans son article 95 que le médecin « doit
toujours agir, en priorité, dans l'intérêt de la santé publique
et dans l'intérêt des personnes et de leur sécurité au sein des
entreprises ou des collectivités où il exerce ». Les
médecins agissent ainsi en apportant leurs soins aux victimes de
harcèlement sexuels, en collectant dans leur dossier médical un
faisceau d’indices cliniques. Ces éléments sont accessibles de
droit aux salariés. L’ordre
des médecins méconnait ces fondements de la déontologie et protège
les employeurs mis en cause par des salariées devant les prud’hommes
pour harcèlement sexuel ou moral, en recevant leurs plaintes contre
le médecin attestant d’un lien entre l’atteinte à la santé et
le travail.
Depuis des années, l’ordre des
médecins tente de se placer en arbitre juridique de la question
sociale, dévoyant sa mission régalienne, et commettant ainsi un
délit de forfaiture.
L’ordre des médecins est
indifférent au surgissement, dans le monde entier, des luttes contre
le harcèlement sexuel et notamment celles des femmes au travail.
C’est la question essentielle de la
valeur de la parole des femmes qui se pose ici, particulièrement en
cas de harcèlement sexuel du fait du travail, dont la réalité est
recouverte par une chappe de plomb favorisée par l’ordre des
médecins !
Cette situation n’a que trop
duré. Nous demandons :
- L’interdiction pour l’ordre des médecins de se substituer à une plainte d’employeurs, et son obligation d’auditionner les victimes
- L’interdiction de la recevabilité des plaintes d’employeurs devant l’ordre des médecins et leur transmission automatique au procureur de la république
- La suppression de la juridiction « d’exception » des chambres disciplinaires ordinales qui démontrent encore une fois leur nocivité !
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