La question prioritaire de constitutionnalité



Violation de l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1989 

L’action engagée par le Conseil Départemental d’Ille et Vilaine de l’Ordre National des Médecins se heurte à un défaut de conformité avec les règles constitutionnelles affirmées tant par la Constitution de 1958 que par le préambule de la Constitution de 1946, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.
En particulier, il sera rappelé que la Constitution du 4 octobre 1958 indique aux termes de son préambule : « que le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l’homme et au principe de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la déclaration de 1789 confirmée et complétée par le préambule de la constitution de 1946 ». 
En l’espèce, il convient donc de se rapporter notamment à l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, aux termes duquel : « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leurs manifestations ne troublent pas l’ordre public établi par la loi ».
Or, en l’espèce la procédure engagée par le Conseil Départemental d’Ille et Vilaine de l’Ordre National des Médecins constitue une atteinte à la liberté d’opinion des médecins.
Il convient en effet de rappeler que l’Ordre National des Médecins a une origine et exerce un rôle parfaitement contestable.
D’une part, il ne pourra être contesté que l’Ordre National des Médecins a été créé le 7 octobre 1940 sous le régime de Vichy, et en a été un fervent soutien, se livrant alors à des pratiques des plus condamnables comme par exemple la dénonciation aux autorités des médecins d’origine juive, apportant ainsi sa contribution à la « vigueur de la race » dans le droit fil des thèses collaborationnistes.
Par la suite, quelle que soit l’intervention de textes ultérieurs ayant confirmé son existence, il n’en reste pas moins que l’Ordre National des Médecins a adopté des positions contestables sur de nombreux sujets, tels que par exemples la libéralisation de la contraception ou encore la mise en place des interruptions volontaires de grossesse, le renouvellement de la prescription des contraceptifs par les infirmières, les prises en charge au titre de la C.M.U., les maisons médicales de garde, … etc, etc.
De plus, le Conseil National de l’Ordre des Médecins continue à prendre des positions qui heurtent les convictions de bons nombres de médecins.
Dès lors, il apparaîtrait donc contraire aux règles constitutionnelles d’imposer à des médecins en opposition avec l’intervention de l’Ordre National des Médecins de contribuer au financement de ce dernier au travers d’une cotisation importante.
Il est bien évident que le non paiement des cotisations demandées par l’Ordre des Médecins ne trouble pas à l’évidence l’ordre public et en conséquence, en application de l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme, l’engagement de poursuites et l’exigence du paiement d’une cotisation par l’Ordre des Médecins se situent en contradiction avec les termes de l’article 10 de la Déclaration des Droits.
Cette question prioritaire de constitutionnalité devra donc être renvoyée devant la Cour de Cassation.
Violation de l’article 6 du préambule de la constitution de 1946
L’article 6 du préambule de la Constitution de 1946 ayant valeur constitutionnelle, précise que tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix.
En l’espèce, l’obligation d’adhérer à l’Ordre des Médecins, à ses missions, et d’acquitter une cotisation obligatoire, est manifestement contraire à la liberté d’adhérer ou non au syndicat de son choix.
En effet, l’Ordre des Médecins se targue de défendre les droits et les intérêts des médecins et notamment de veiller au respect des lois et règlements qui régissent l’exercice de la profession médicale, de gérer les remplacements, de créer des œuvres d’entraide ou de distribuer des secours, … etc, etc, toutes missions qui interfèrent dans la défense des droits et des intérêts des médecins.
Or comme indiqué plus haut, le positionnement de l’Ordre des Médecins peut ne pas être obligatoirement partagé par ces derniers.
Dès lors il serait contraire à l’article 6 susvisé d’imposer aux médecins d’adhérer et de cotiser à l’Ordre des Médecins lorsqu’ils disposent de la liberté d’adhérer ou non aux organisations susceptibles de défendre leurs droits et leurs intérêts.
Une telle solution s’impose d’autant plus que l’article 11 que la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, rappelle que « toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts ».
Le principe de la liberté d’association implique naturellement le respect du principe de la liberté de ne pas s’associer.
Or, il apparaît que selon la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’homme (ACCA) du 29 avril 1999 que « contraindre de par la loi un individu à une adhésion profondément contraire à ses propres convictions, en l’obligeant du fait de cette adhésion à souscrire à des objectifs qu’il désapprouve, va au delà de ce qui est nécessaire pour assurer un juste équilibre entre les intérêts contradictoires et ne saurait être considéré comme proportionné au but poursuivi, par référence aux dispositions de l’article 11-2 de la convention européenne ».
Cet article 11-2 précise en effet que l’exercice des droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi (condition nécessaire mais pas suffisante), constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sureté publique, à la défense de l’ordre, à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
A l’évidence, l’obligation d’adhérer et de cotiser à l’Ordre des Médecins ne peut être considérée comme nécessaire pour répondre à ces critères et notamment pour assurer la protection de la santé, s’agissant d’une structure constituant un ordre professionnel et se cantonnant au mieux dans un rôle administratif sans prise directe sur la santé de la population.
Dès lors, suivre le Conseil Départemental d’Ille et Vilaine de l’Ordre National des Médecins dans sa demande de condamnation, constituerait une violation de la liberté fondamentale du Docteur Le Meut.
Cette question prioritaire de constitutionnalité devra donc également être renvoyée à la Cour de Cassation.
Violation du principe de non discrimination 
Le principe de non discrimination institué par l’article 14 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, repris entre autres pour partie par les dispositions du Code Pénal (article 225-1 notamment), fait partie des principes fondamentaux reconnus en matière de droits et libertés par la République Française.
L’article 14 de la Convention Européenne dispose en effet que la jouissance des droits et libertés ne peut être fondée sur aucune discrimination résultant de quelque situation que ce soit.
Or, aux termes de l’article L 4112-6 du Code de la Santé Publique, les médecins exerçant leur activité auprès du service de santé des armées, sont exonérés de l’adhésion et des cotisations à l’Ordre des Médecins.
En vertu de l’égalité de tous devant les charges publiques, rien ne justifie qu’une telle discrimination négative soit imposée à des médecins exerçant leur activité au service de la santé des populations non militaires, et dès lors cette discrimination apportée par les textes réintroduisant l’Ordre des Médecins, après sa suppression à la Libération, se relève contraire aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
* * *
Dès lors, en application de l’article 126-4 du Code de Procédure Civile, le Ministère Public ayant été avisé et les parties entendues ou appelées, les présentes questions prioritaires de constitutionnalité seront renvoyées à l’examen de la Cour de Cassation.

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