LRAR intitulée
«Mon vĆu prioritaire pour 2021 : que lâordre des mĂ©decins cesse de protĂ©ger les praticiens prĂ©dateurs sexuels et de nĂ©gliger leurs victimes, mineures ou majeures»
Monsieur le Dr Patrick BOUET,
En ce début 2021, je viens vous présenter, de façon tout à fait inhabituelle, mes voeux pour ce nouvel an.
Ils font suite Ă ce nouveau rapport quâa publiĂ© notre Cour des Comptes (CdC) le 9 dĂ©cembre 2019 sur lâordre des mĂ©decins, institution dont vous ĂȘtes le prĂ©sident national depuis 2013. Les 187 pages de ce document, accablantes, ont rĂ©vĂ©lĂ© des dĂ©rives considĂ©rables dans des domaines multiples :
-activité juridictionnelle et disciplinaire ;
-malversations financiÚre et gestionnaire, appétit immobilier ;
-obscurantisme du fonctionnement au quotidien ;
-rentes de situation pour les conseillers ordinaux nationaux et départementaux, favoritisme familial ;
-bureaucratisation croissante avec multiplication de réunions indemnisées grassement pour les participant-e-s ;
-faillite dans lâapplication de la dĂ©ontologie mĂ©dicale ;
-manque de vigilance face à la relation médecins-industrie,
-etcâŠ
Et dans le chapitre du « traitement des plaintes pour des faits Ă caractĂšre sexuel », que je souhaite aborder ici, elle nous livre un diagnostic sombre : lâordre des mĂ©decins ne prĂ©sente pas seulement des faillites ponctuelles mais une faille systĂ©mique, avec « couverture dâagissements », « irrĂ©gularitĂ©s de procĂ©dures », « nombreux rejets de plaintes » ou « manque de diligence dans le traitement des dossiers ». Une quinzaine dâaffaires ont Ă©tĂ© plus particuliĂšrement analysĂ©es. Elles ne reprĂ©sentent quâune petite partie de la face ordinale inconnue. Elle est peu Ă peu dĂ©voilĂ©e et mĂ©rite selon moi une enquĂȘte complĂ©mentaire approfondie auprĂšs de lâensemble des chambres disciplinaires.
A titre dâexemple, je souhaite revenir dans la prĂ©sente sur un des dossiers Ă©clairant mon propos accusatoire : celui dâAndrĂ© HAZOUT, gynĂ©cologue mĂ©dical mĂ©diatique et simultanĂ©ment agresseur sexuel et violeur. Comme vous le savez (et le lirez dans la monographie que je vous prie de trouver ci-joint), sa pratique sexo-criminelle sâest exercĂ©e de 1985 Ă 2006. Durant cette pĂ©riode, lâordre des mĂ©decins a Ă©tĂ© alertĂ© Ă plusieurs reprises, avec lettres de dolĂ©ances et plaintes en 1988, 1990, 1995 et 2004 âŠil a dĂ©cidĂ© chaque fois de rester dans lâimmobilisme âŠ
Ce nâest quâaprĂšs que la justice commune ait Ă©tĂ© saisie que le silence ordinal a cessĂ© âŠla sanction disciplinaire a Ă©tĂ© prononcĂ©e, alors quâil Ă©tait Ă la fois retraitĂ© et mis en examen par notre justice commune.
Et votre conclusion sur cette affaire en octobre 2014 lors de lâinterview de Michel CYMES Ă AlloDocteurs (reproduite en fin du document joint) demeure effarante et inacceptable : vous prĂ©tendez que lâordre des mĂ©decins, avec son tribunal dâexception, a agi de maniĂšre satisfaisante âŠalors quâil a Ă©tĂ© condamnĂ© par la Cour dâAppel de Paris Ă verser 3.000 ⏠à lâune des dames victimes, « pour avoir couvert les agissements du mĂ©decin pendant de nombreuses annĂ©es »...!
En cette nouvelle pĂ©riode de rupture du dĂ©ni face aux violences sexuelles, je viens donc vous signifier mon vĆu prioritaire pour que ce type de pratique intolĂ©rable ne soit plus exercĂ©e par lâinstitution ordinale, dans lâattente des changements structurels dâenvergure qui seront dĂ©cidĂ©s par ailleurs.
La santĂ© et le bien-ĂȘtre de nos concitoyen-ne-s, quâelles-ils soient mineur-e-s ou majeur-e-s, doit retrouver la prioritĂ© sur toute complaisance et protection des professionnels dĂ©viants. Lâomerta et le silence confraternels, faisant le choix des agresseurs et criminels sexuels au prĂ©judice des personnes victimes doivent disparaitre de notre champ mĂ©dical et social.
Un tel objectif va entrainer bien sĂ»r des rĂ©flexions et des actions Ă mener dans lâespace des dĂ©cisions politiques mais il me semble entrainer pour vous un impĂ©ratif incontournable : sortir dĂšs maintenant du dĂ©ni, de lâautosatisfaction, du sĂ©paratisme et du communautarisme professionnels contraires Ă plusieurs de nos valeurs rĂ©publicaines telles quâassistance Ă personne en danger, dĂ©nonciation obligatoire auprĂšs des autoritĂ©s judiciaires (cf article 40 de notre Code de procĂ©dure pĂ©nale) âŠetc.
Avec diffĂ©rentes associations qui partagent ma dĂ©marche, je reste disponible pour tout dĂ©bat public contradictoire auquel je vous invite. Il aura toute sa place, entre autres, lors des futurs procĂšs de JoĂ«l LE SCOUARNEC qui nous entrainent dans des territoires inconnus de notre histoire judiciaire ⊠oĂč le rĂŽle de lâordre des mĂ©decins y est Ă©galement questionnĂ©.
Je vous prie dâagrĂ©er lâassurance de ma considĂ©ration distinguĂ©e.
Dr Bernard COADOU
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