Le parcours personnel et professionnel de Bernard HENRIC :
Agé de 63 ans, époux d’une femme médecin avec qui il a eu trois enfants, il s’est installé à Arras en 1995 en tant que gynécologue. Certains lui ont contesté cette qualification. Elle lui a été autorisée par le conseil de l’ordre des médecins du Pas de Calais. « Nous n'avions pas de spécialiste FIV dans le département », se souvient Marc Biencourt, ancien président ordinal départemental. « Nous étions très contents de l'accueillir et n'avons pas procédé à des vérifications particulières le concernant ». Il pratiquera cette activité jusqu’en 2015, avec reconnaissance d’une compétence manifeste dans le domaine de la procréation médicalement assistée. Interdit de poursuivre cette activité de gynécologie au début de ses ennuis judiciaires, il continuera d’exercer dans le même local professionnel en tant qu’endocrinologue et diabétologue-nutritionniste.
Les ennuis judiciaires de Bernard HENRIC :
En 2009, une des patientes de Bernard Henric porte plainte devant l’ordre des médecins. Il n’y aura pas eu de suite.
En 2014, le chef de service d’Obstétrique de l'Hôpital de Lens fait un signalement auprès du conseil de l'ordre des médecins du Pas-de-Calais.
En novembre 2014, Florence, âgée de 32 ans, dépose plainte, quatre jours après son rendez- vous de rééducation du périnée post-accouchement. Elle affirme que durant la consultation qui a duré une heure, elle a été positionnée de manière à ne pas pouvoir constater les actes réalisés par le praticien. Elle a senti le souffle du médecin près de son vagin puis sa langue. Elle se dit « Si ça recommence, je réagis". Mais le médecin aurait continué pendant que Florence n'arrivait pas à réagir : "Je n'avais même pas la force de parler, mes jambes étaient molles". Elle finit par prétexter une crampe pour qu’il cesse.
"Le pire, c'est qu'après ça, je lui ai fait un chèque et que je lui ai serré la main...J’ai quitté la consultation en larmes... " .
"J'avais une confiance aveugle en lui. Je lui dois mes deux enfants", ajoute Florence. Bernard Henric la suivait médicalement depuis 9 ans et lui avait diagnostiqué son endométriose. "Au début, je ne voulais pas porter de plainte. Je l'ai fait pour protéger de futures potentielles clientes. C'est une ancienne collègue qui m'a fait avoir le déclic. J'ai réalisé que j'aurais été capable d'amener ma fille chez ce gynécologue tellement j'avais confiance en lui. Il fallait que je l'arrête pour que ça n'arrive plus à personne",
Par la suite elle n’a plus été capable de retourner à Arras. Elle a dû quitter son emploi et elle n’a pas consulté d’autre gynécologue et n’a pas soigné son endométriose. Elle a fait une infection avec septicémie. Elle a dû subir une hystérectomie.
La sœur cadette de Florence, Marie, 27 ans, dépose également plainte en novembre 2014 en même temps que sa sœur. Elle avait consulté B.H. sur les conseils de sa sœur ainée et
Vous pouvez me le remettre ? » Le médecin l’a regardé très gêné : « Qui est votre gynéco ? ». Lorsqu'elle annonce "Bernard Henric", le praticien baisse les yeux...
Dans la suite de ces dépôts de plainte, l’enquête judiciaire va adresser un questionnaire à plus de 2200 personnes de la patientèle du Dr B.H. Les dépositions et témoignages s’accumulent, sur la durée des consultations, la lumière tamisée du cabinet et sur des examens à connotation sexuelle. Les investigations ont été clôturées fin 2018. L’instruction va retenir 62 victimes potentielles*.
Et B.H. est mis en examen le 4 novembre 2015 pour "viols par personne abusant de l'autorité conférée par ses fonctions" et "agressions sexuelles". Il est placé sous contrôle judiciaire. Face au juge d’instruction, il mentionne des " gestes scientifiques que ses patientes ont mal interprété ». Il est cependant interdit de pratiquer la gynécologie ...il va toutefois continuer d’exercer dans le même cabinet à Arras, en tant qu’endocrinologue et diabétologue.
Depuis cette mise en examen, l’instruction judiciaire est au ralenti. Trois juges d'instruction se sont succédés au parquet de Béthune. La priorité est donnée aux affaires concernant des personnes placées en détention provisoire. De fin 2018 à décembre 2019 aucun acte d'enquête n’a été réalisé.
C’est pourquoi, en février 2020, Loïc Bussy, l’avocat de plusieurs plaignantes (dont Florence et Marie), dépose des demandes d’auditions auprès du juge d’instruction pour faire avancer les choses ...l’écho est notable dans plusieurs médias, dont l’AFP et le Journal du Dimanche.
Le 10 octobre 2021, le reportage de l’émission Sept à Huit de TF1, intitulé « Etranges consultations » consacre plus d’un quart d’heure à l’affaire. Plusieurs témoignages de personnes qui se disent victimes (dont Isabelle qui a porté plainte 7 ans après le viol qu’elle dit avoir subi) ainsi que les explications données par Bernard Henric qui nie tout dérapage, nous ont apporté de nombreux éléments inconnus jusqu’alors. Le procès ne saurait tarder... ?
L’attitude de l’ordre des médecins dans ce dossier :
Nous n’avons bien sûr qu’une partie des éléments d’enquêtes relatifs à ce dossier. Mais ce qui a été publié (et complété par Clémence Badault en octobre 2021 sur TF1) nous semble déjà intéressant à mettre en exergue :
- Quand une plainte est déposée en 2009 auprès du conseil de l’ordre des médecins du Pas de Calais, Bernard Henric est convoqué pour un entretien. Il n’y aura pas de suite et Marc Biencourt **, médecin généraliste à Heslin et président de l’ordre départemental à l’époque, le justifie ainsi sur TF1 le 10 octobre 2021 :
- Une nouvelle plainte aurait été déposée auprès de l’Ordre des médecins en 2012 mais nous n’avons pas pu en avoir confirmation ...le président ordinal est resté mutique face à notre demande en octobre 2021.
- En 2014, c’est donc le Dr Pierre Marquis, chef du service d’Obstétrique du Centre Hospitalier d’Arras qui écrit à la présidente du conseil de l’ordre des médecins du Pas de Calais, Dr Edwige Devillers. Il a en effet enregistré, séparément, cinq témoignages de patientes suivies à l’Hôpital. Elles lui ont rapporté des malversations de B.H. à type « d’attouchements prolongés à connotation sexuelle ». La présidente du CDOM ne lui a pas répondu (et a refusé de répondre en 2020 à une demande d’entretien du Journal du Dimanche).
- Par contre, quand elle apprend qu’une enquête est en cours avec questionnaire de la patientèle de B.H. elle écrit la lettre suivante au procureur de Béthune, le 1-9-2015 (courrier reconstitué d’après le reportage de TF1 le 10-10-21) :
Ordre national des Médecins
Conseil départemental du Pas de Calais,
à Mr le Procureur de la République, T.G.I., 4 Place des Etats 62022 ARRAS
Objet : Affaire Dr Henric
Monsieur le Procureur,
J’ai l’honneur d’attirer votre attention sur les faits suivants.
De nombreux courriers émanant de votre service ont été récemment envoyés aux patientes suivies par le Dr Bernard HENRIC, Médecin gynécologue exerçant à ARRAS.
Nous avons reçu des appels de la part de patientes particulièrement étonnées des questions posées. En effet ces questions faisaient plutôt appel à leur interprétation personnelle qu’à des faits objectifs. Le Conseil de l’Ordre des Médecins n’a pas été en mesure de répondre, car nous-même n’avons pas été informés de votre démarche.
Ce type de courrier est gravement nuisible à la carrière de ce praticien exerçant à titre libéral.
Le Conseil de l’Ordre est concerné par la pratique de tout praticien qui dérogerait à sa fonction par un comportement répréhensible. A ce titre, nous souhaitons donc pouvoir être tenus au courant des problèmes soulevés par les médecins exerçant dans notre département.
Je vous prie de recevoir, Mr le Procureur de la République, l’assurance de mes sentiments respectueux.
Dr Edwige Devillers ; Béthune le 1° septembre 2015
- Nous avons appris par le journal La Voix du Nord le 23 février 2024 que « soupçonné de viols et d’agressions sexuelles sur plus de soixante-dix patientes, le gynécologue- endocrinologue d’Arras, interdit d’exercer la gynécologie depuis sa mise en examen fin 2015, est radié de l’Ordre des médecin ».
- Cette même Voix du Nord, dans un article du 29 mars 2025, nous informe que « la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins vient de confirmer la radiation du tableau de l’ordre des médecins du Dr Bernard Henric. Cette radiation prendra effet à compter du 1er mai. Cette sanction vient confirmer celle prise en février 2024 par la chambre disciplinaire de première instance des Hauts-de-France. Le gynécologue-obstétricien avait fait appel de la décision ce qui lui permettait de continuer d’exercer uniquement l’endocrinologie ».
Il semble donc que la dimension pénale de cette affaire et l’écho médiatique grandissant ont contribué à stopper cet immobilisme de l’ordre des médecins ; dans cette affaire également, pendant une douzaine d’années, il a négligé les personnes victimes, il a choisi de croire en la version du médecin accusé et de le laisser dans l’impunité ...
*Certaines victimes potentielles envisagaient de porter plainte contre l’Ordre des médecins ; ** Il n’est pas inintéressant de savoir par ailleurs que :
- Marc BIENCOURT démissionnera de la présidence départementale de l’Ordre et de son poste de conseiller ordinal national en février 2011, à la demande du président national de l’époque Pierre LEGMANN...il lui était reproché d’avoir bénéficié entre 2007 et 2011 de 98.000 € d’indemnités supplémentaires injustifiées.
- Ce même Pierre LEGMANN a été lui-même épinglé par la Cour des Comptes en décembre 2019 :« L’ancien président du Conseil national a perçu, entre 2010 et 2012, en plus de ses indemnités supérieures au plafond, des forfaits sans nuitée, assimilables à des indemnités, qui, sur ses trois dernières années de mandat, ont conduit à un dépassement annuel du plafond de la Sécurité sociale de plus de 78 000 € ».
Résumé de Bernard COADOU - 30 Mars 2025
SOURCES
LINTERNAUTE - 5 novembre 2015
JOURNAL DU DIMANCHE - 15 février 2020 - Plana RADENOVIC
MARIE-CLAIRE - 15 février 2020 - Thilda RIOU
France INFO - FR3 - 16 février 2020
MEDISITE - 18 février 2020 - Emmanuelle JUNG,
LE FIGARO avec l’AFP - 18-2-20
TF1 – 10.10.21 «7à8-Etranges Consultations» - Clémence BADAULT
LA VOIX DU NORD – 23 février 2024 et 29 mars 2025
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