En prônant la contrainte, l’Ordre a créé le désordre en son sein

Une excellente analyse sur la crise créée par les récentes prises de position anti-jeunes de l'ordre. Au delà des propositions elles-mêmes, on voit bien que c'est tout le processus anti-démocratique qui est remis en cause.    Source: JIM

Paris, le mercredi 20 juin 2012 – Les syndicats, qu’ils représentent les « jeunes » médecins ou  de moins jeunes, avaient été les premiers à monter au créneau au lendemain de la publication par le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) de recommandations détonantes concernant la régulation de la démographie médicale et la fixation des honoraires des médecins de secteur 2. Allant plus loin que la plupart des représentants politiques s’étant exprimés sur le sujet ces derniers mois, l’Ordre est en effet allé jusqu’à prôner la contrainte en matière d’installation : son projet, imposer aux jeunes médecins choisissant la voie libérale, leur lieu d’exercice au sein de leur région, au cours des cinq premières années de leur carrière.



Concernant les tarifs pouvant être pratiqués par les praticiens de secteur 2, l’Ordre a par ailleurs dessiné un seuil à ne pas dépasser, équivalant à « trois à quatre fois » le montant de l’acte opposable.

Trahison irréaliste

Il n’a guère fallu attendre pour que se lévent les boucliers contre ces propositions totalement imprévisibles de la part de la si conservatrice instance ordinale. L’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), les organisations représentant internes et résidents (ISNAR-IMG, ISNIF, ISNCCA) et les groupes fédérant les jeunes praticiens (CSMF jeunes médecins, SNJMG, REAGJIR) ont immédiatement publié un communiqué dénonçant vigoureusement cette « trahison » de l’Ordre. Les autres syndicats de praticiens ne furent pas en reste, s’inscrivant unanimement en faux contre ces recommandations qui furent qualifiées « d’irréalistes », par le président de MG France, Claude Leicher.

Le Rhône ouvre la voie de la contestation

Mais la fronde ne se limite plus désormais aux seuls syndicats : en son sein même, le conseil national doit faire face au désaveu de plusieurs de ses antennes départementales. Le conseil du Rhône a à cet égard été le premier à désavouer les méthodes du conseil national et à remettre en cause ses propositions. Ainsi, après avoir reçu le 5 juin une délégation d’étudiants et de jeunes médecins « faisant part de leur inquiétude et de leur colère », le conseil départemental a officiellement et solennellement indiqué « désapprouver l’absence de concertation avec les Conseils départementaux, régionaux et les organismes représentatifs ». Il a également appelé le conseil national « à mettre en place de manière urgente, une concertation avec les futurs confrères afin de privilégier des mesures incitatives ».

Paris appelé à se libérer de l’Ordre

Ce premier accroc à l’unité ordinale a été suivi de nombreuses rumeurs au sein des instances départementales, faisant état des réserves de nombreux conseillers vis-à-vis des positions défendues par le bureau national. Ces rumeurs ont connu hier une confirmation éclatante avec la lettre envoyée aux médias par le président du syndicat des médecins de Paris, le docteur Bernard Huynh. Dans une longue missive de deux pages où il ne cache pas sa colère, le praticien affirme en effet que « certains élus du conseil départemental de l’Ordre des médecins de Paris envisagent de démissionner de leur poste si le Conseil de l’Ordre départemental de Paris ne se désolidarise pas (…) des conclusions du séminaire du Conseil national de l’Ordre ». Poursuivant sa sévère diatribe contre le bureau national, il souligne en outre que « tous les membres élus des conseils départementaux (…) ont été totalement écartés de cette réflexion ».

Un conseil national qui promet d’être tendu

Enfin, dernière confirmation du chaos créé au sein même de l’Ordre par ces recommandations : selon le Quotidien du médecin, 80 conseils départementaux sur 103 ont rédigé à l’égard de ces propositions des motions les désavouant plus ou moins fermement, motions qui seront examinées ce vendredi 22 juin à l’occasion de la session plénière du Conseil national. Parmi ceux qui contestent le bien fondé de l’orientation prise par l’Ordre, le docteur Catherine Oliveres-Gouthi, conseiller de l’Ordre de Paris, cité par le Quotidien du médecin prévient : « L’Ordre a intérêt à revoir sa copie ».

La fin de l’Ordre ?

Cette fronde inédite incite une nouvelle fois à interroger les raisons qui ont pu pousser l’Ordre à pareilles suggestions, allant totalement à contre courant de son rôle et des positions qu’il a toujours défendues. Dans son brûlot contre le bureau national, Bernard Huynh suggère quelques pistes. « La volonté de se refaire une virginité vis-à-vis du pouvoir politique et de répondre à la menace récemment évoquée de suppression des Ordres professionnels pourrait expliquer la transformation de certains en courroie de transmission servile pour tenter de garder leurs prérogatives ». Par cette attaque non déguisée, Bernard Huynh fait allusion d’une manière générale aux réticences depuis toujours exprimées par la gauche contre les structures professionnelles et plus particulièrement aux déclarations du député Jean-Marie Le Guen remettant récemment en cause la légitimité de l’Ordre des infirmiers. La nécessité de « se refaire une virginité politique » serait quant à elle imposée par la proximité des actuels dirigeants de l’Ordre avec l’ancien Président de la République. Au-delà des influences politiques éventuelles qui auraient pu dicter à l’Ordre ses curieux revirements, cette fronde en témoigne, à l’instar de ce qui a été frôlé pour l’Ordre infirmier, les médecins pourraient organiser eux-mêmes la mise sur la touche de leur ordre… sans que le pouvoir ait à intervenir ! En tout état de cause, les remous actuels pourraient de fait donner de nouveaux arguments aux opposants historiques à l’Ordre des médecins.


Aurélie Haroche

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