AOC N°1 /ODM et prédateurs sexuels: André HAZOUT

INTRODUCTION

A l’occasion du procès de Joël LE SCOUARNEC, chirurgien pédocriminel au centre d’une affaire de très grande ampleur, nous enquêtons sur la pratique de l’ordre des médecins quant au traitement des plaintes qui lui parviennent, concernant les médecins agresseurs sexuels.

Nous avons été sensibilisés par le rapport de la Cour Des Comptes de décembre 2019, qui nous livre un diagnostic accablant sur l’ensemble du fonctionnement de l’ordre des médecins. Et dans ce chapitre qui nous intéresse ici (cf pages 105 à 108 du rapport : «Le traitement des plaintes pour des faits à caractère sexuel») le préambule nous affirme que : « Au cours des dernières années, plusieurs affaires médiatisées relatives à des viols et agressions sexuelles sur patients ayant conduit à la condamnation pénale de médecins, n’ont pas été traitées, sur le plan ordinal, avec la rigueur nécessaire ».

Et les autres affaires citées par la Cour des Comptes (ce n’est qu’une partie de la réalité) nous ont rappelé celle concernant André HAZOUT, qui avait été présenté à l’époque comme isolée...il n’en est rien, et le recoupement de ce que nous connaissons déjà avec ce que nous allons apprendre, va nous amener à consolider l’opinion qui émerge de plus en plus : dans ce domaine des malversations sexuelles soumises dorénavant à une vigilance sociale accrue, il apparait que l’ordre des médecins dévoile sa nocivité chronique, l’amenant souvent à couvrir les médecins prédateurs et augmenter le nombre et la souffrance des victimes, qu’elles soient adultes ou mineures...

Cet état de fait ne peut perdurer. Avec plusieurs associations, nous essaierons de prendre toute notre place pour que se réalise une alternative acceptable.

RÉDACTION le 21 mars 2020,  par Dr Bernard COADOU

« Affaire André HAZOUT, de 1986 à 2014 »

André HAZOUT nait en 1943 en Algérie dans une famille modeste qui veut la réussite de ses enfants mais qui en 1962, après l'indépendance, subit le rapatriement contraint vers la France.
Il fait des études de médecine, a un intérêt précoce pour cette science balbutiante de la fécondation in vitro. Il a ensuite une carrière brillante et devient un gynécologue réputé et très sollicité.

Pendant près de vingt ans, il est attaché au service phare de la médecine de la reproduction, chez son ami René FRYDMAN (Hôpital Antoine Béclère), à l'origine des premiers bébés- éprouvette en France. Puis il le quitte. «En 2004, il est venu me trouver», raconte le professeur Patrick MADELENAT, alors chef du service de gynécologie obstétrique de l'hôpital Bichat. «On avait une unité de médecine de la reproduction qui n'allait pas bien. Il s'est proposé pour en prendre la direction. Et je m'en félicite, car très vite, il l'a redressée de façon spectaculaire. C'est unexcellentpraticien.»

Il exerce également dans la célèbre clinique de la Muette située dans le XVIe arrondissement parisien, où accouchent notamment Rachida DATI et Carla BRUNI, tout en pratiquant à son cabinet privé du XVIIe arrondissement.

Les premières accusations de viols et d’agressions sexuelles datent de 1986. Elles vont s’exprimer initialement, à plusieurs reprises, auprès de l’Ordre des médecins. Puis en 2005, Cécile POITEVIN (défendue par Me Claude KATZ, qui représente aussi une partie civile : Le Collectif Féministe Contre le Viol) porte plainte devant la juridiction commune pour des agressions subies au Cabinet Médical du17° arrondissement de Paris. Elle entraine ainsi l’ouverture d’une information judiciaire. L’enquête va recueillir les accusations d’agressions d’une trentaine de femmes. Mais seules six d’entre elles ont pu se constituer parties civiles, les faits étant prescrits pour les autres

L’enquête aboutit le 19 octobre 2007 à la mise en examen du praticien pour des viols sur personnes vulnérables et agressions sexuelles sur six anciennes patientes

André HAZOUT, à l’issue de ce long parcours judiciaire, est condamné le 20 février 2014 à huit ans de prison par la Cour d’Assises de Paris (présidée par Hervé STEPHAN, l’avocat général étant Annie GRENIER), avec interdiction définitive d’exercer. Le procureur avait, pour sa part, requis 12 ans de prison contre le médecin. Durant le procès, de nombreuses anciennes patientes sont donc venues témoigner à la barre des agressions sexuelles dont elles ont été victimes. Dans les suites, l’avocat Francis SZPINER fait appel mais André HAZOUT s’en désiste le 3 avril 2014.page1image14149952 page1image20030432 page1image14153600 page1image14153408

Biographie, historique des accusations d’agressions sexuelles et condamnation

Le conseil de l’ordre des médecins a protégé André HAZOUT pendant 25 ans

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La première plainte déposée auprès de l’ordre des médecins et figurant dans le dossier ordinal d’André HAZOUT date de novembre 1988. Elle a été suivie de trois autres en 1990, 1995 et 2004. Une patiente se plaignant de son comportement sexuel, a eu la réponse du secrétaire général de l'ordre régional des médecins, le 18 janvier 1991 : «Cette affaire aura les suites qu'elle doit comporter.»... Il ne se passera rien, le dossier sera oublié.

Le conseil départemental de l’ordre des médecins de Paris n’a saisi sa chambre disciplinaire de première instance qu’en 2006 (après la plainte de Cécile POITEVIN auprès de la justice commune) ...et la radiation ordinale d’André HAZOUT a été prononcée en avril 2013...

Cette inaction qui a duré 25 ans a couvert en fait les agressions sexuelles et les viols du médecin. Et elle a été jugée en octobre 2012 par la Cour Administrative d’Appel de Paris ; elle a condamné le conseil parisien de l’Ordre des médecins à verser à une victime la somme de 3.000 €...

-Le 18 janvier 1991, le secrétaire général de l'ordre régional des médecins avait donc promis des suites à une patiente victime (cf plus haut)...il n’y en a pas eu !

-Le 19 novembre 2007 : un article du journal Libération rapporte les propos de Serge UZAN, médecin connu dans le monde de la gynéco-obstétrique et responsable ordinal. Il répond au journaliste qui le questionne sur l’affaire « Je n'ai pas d'opinion à formuler » ;
Jeanne BELAISCH, chef de service à l'hôpital de Sèvres, affirme : «L'ordre des médecins nous déconseille de parler, et moi je ne peux et je ne veux pas.»

-En octobre 2013, Irène KAHN, présidente du Conseil de l'ordre des médecins de Paris, confirme la connaissance des premières plaintes et affirme: «Les patientes parlaient de bisous, de mains aux fesses... On l'a convoqué pour lui dire de se tenir à carreau...».

En janvier 2014, lors du procès en Cour d’assises, Me Cédric LABROUSSE, avocat de l'ordre des médecins qui s’était porté partie civile, avait pour sa part dénoncé "un énorme gâchis".

Celui du "destin brisée par sa faute" d'un "médecin talentueux pris de pulsions qu'il ne pouvait réfréné et qui a sali par ses actes l'image de toute une profession". Mais aussi le gâchis pour celles qui avaient "toute confiance" en lui et auxquelles celui-ci n'a apporté que "pleurs et désolation"

Les explications de l’ordre des médecins sur cette affaire HAZOUT

Le mardi 18 février 2014, alors que s’approche la fin du procès, en réponse à Me Claude KATZ qui évoque un « naufrage ordinal », plusieurs représentants du conseil de l'ordre des médecins ont été appelés à témoigner. Tous ont reconnu les "carences et les dysfonctionnements" passés de leur instance.

Parmi eux, le gastro-entérologue Philippe BICLET, ancien secrétaire général adjoint de l'instance déontologique, il y a été "généralement chargé des plaintes", pendant "au moins 5 ou 6 ans". S'il ne les traitait pas toutes, il recevait trois après-midis par semaine patients, familles et médecins. Et "rédigeait des courriers". En juillet 1999, il se voit destinataire d'un
appel dénonçant le comportement du gynécologue. Il le convoque, et pose une exigence qu'il ne renouvellera, selon ses souvenirs, avec aucun autre spécialiste : il fait signer à André Hazout un document l'engageant à ne plus être seul avec une patiente lors d'une consultation et à se faire assister par sa secrétaire.
Le président de la cour d'assises Hervé STEPHAN informe alors l'ancien secrétaire général adjoint du Conseil du fait qu'HAZOUT a notamment reconnu s'être livré à des gestes déplacés envers des patientes. Puis lance à Philippe BICLET : "
Pensez-vous avoir fait tout de ce que vous deviez faire ? N'avez-vous pas le sentiment de vous être arrêté en chemin ?"
"
Si j'avais pensé qu'il y avait un risque pour les patientes (...) il y aurait eu un passage devant le Conseil régional", lui répond alors Philippe BICLET , un des seuls médecins du Conseil à avoir concrètement réagi. Il concède : "Il y a eu carence, c'est clair." En préambule, il a insisté sur l'impérieuse nécessité du "respect du corps et de sa nudité" incombant aux professionnels de la médecine. Au point, à un moment, d'élever la voix, et de clamer, révolté qu'on puisse "profiter de son statut de médecin pour obtenir des faveurs sexuelles" ... « Si soi-même on n'est pas capable de se tenir d'un point de vue psychologique et physique, il faut être soigné ou changer de métier ! »
A nouveau questionné par le président, il s'adresse ensuite à son illustre confrère le Professeur René FRYDMAN, proche d'André HAZOUT, entendu vendredi par la cour. "
A ma connaissance, FRYDMAN n'a pas contacté le Conseil de l'ordre pour l'informer". Ce qu'avait confirmé, à la même place, le père du premier bébé-éprouvette, indiquant que le Conseil n'était pas davantage entré en contact avec lui.
"
Avec le recul, ce dossier n'a pas soulevé l'inquiétude qu'il aurait dû soulever" a également témoigné avant lui le médecin Hervé BOISSIN. Secrétaire général du Conseil de 2004 à 2007, il était en vacances quand une plainte est arrivée à l'instance, en juillet 2004. "En tant que secrétaire général j'assume. Cela a été mal géré et je le regrette". Et d'admettre : «On aurait dû transmettre systématiquement.»
A l'instar de ses confrères, Hervé BOISSIN insiste beaucoup sur le fait que "
les procédures ont complètement changé". Ce qui fait dire à l'actuel secrétaire général du Conseil départemental de l'ordre de Paris Jean-Luc THOMAS que ce "traitement catastrophique de ce qu'on pouvait considérer comme des plaintes fait définitivement partie du passé »..."Il serait impossible que cela arrive aujourd'hui. Dès qu'une lettre arrive, on regarde." Et le médecin d'avancer, pour "preuve", le fait que le Conseil a «pu aller jusqu'à la radiation du Dr Hazout début 2013». "Effondré" devant un tel dossier, le médecin, avoue qu'il "ne peut pas comprendre ce qui s'est passé". Et précise comment, depuis 2008, sont mises en place des procédures de conciliation entre patients et médecins. "Je ne peux qu'assumer" poursuit-il toutefois.

PS : Dernier détail pour cette affaire HAZOUT, que nous avons également appris par ce dernier rapport de la Cour des Comptes : Il est apparu par la suite qu’un élu ordinal (toujours en fonction en 2019), dont la gestion de l’affaire avait été mise en cause par l’avocat général au cours de l’audience publique de janvier 2014, avait lui-même fait l’objet de plaintes de deux patientes différentes pour des faits à caractère sexuel. L’une des plaintes a fait l’objet d’un désistement de la plaignante et l’autre a été jugée irrecevable par la juridiction ordinale, la plaignante ne s’étant pas acquittée du droit de timbre alors en vigueur...

Médias et journalistes sources : 

Marie Laure COMBES - Europe 1, 

Eric FAVEREAU - Libération, 

Céline RASTELLO - L’Obs, 

Dorothée MOISAN - Elle , 

Anne JOUAN - Le Figaro

Avocats au procès de 2014 en Cour d’Assises :

-Claude KATZ = avocat de Céline POITEVIN, l'ancienne patiente d'HAZOUT, qui a, la première, porté plainte en 2005, et entraîné l'ouverture d'une information judiciaire
-Jérôme 
WEDRYCHOWSKI = avocat d’une des parties civiles.

-Cédric LABROUSSE Avocat de l’ordre

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