Quelques éléments sur la protection par l’ordre des médecins
de ce psychiatre prédateur sexuel.
Le parcours professionnel de Jean-Paul GUITTET :
Né en 1945, il est devenu médecin en 1970 et s’est ensuite spécialisé en pédo-psychiatrie. Il a
exercé au Mans en cabinet libéral de 1978 à 2018 et en centre médico-psycho pédagogique.
Il a simultanément exercé des responsabilités syndicales nationales : il a présidé le Syndicat
National des Psychiatres Privés (SNPP) dans les années 90.
Il a également été passionné d’automobile et notamment de la course des 24h du Mans qu’il a
découvert à l’âge de 10 ans en juin 1955, dans des circonstances tragiques : une Mercedes,
après une sortie de piste, a entrainé la mort de 82 personnes… Il confiera par la suite que sa
vocation de médecin est « sûrement liée à l'accident ». Il ne s'est pas senti traumatisé sur le
coup, mais quelques années plus tard, « quand j'ai commencé une psychanalyse,
énormément d'images me sont revenues ». Il remet les pieds sur le circuit en 1959. Et en
1970, il y travaille comme médecin, bénévolement. Depuis 2012, Jean-Paul GUITTET
« exerce » sur le circuit comme psychiatre, auprès des spectateurs et de plus en plus, auprès de
l'équipe médicale. Il totalise cinquante-huit participations aux 24 Heures du Mans, dont 48 en
tant que médecin.
Il a été aussi président départemental de la Ligue des Droits de l’Homme. Il a longtemps
bénéficié d’une image respectable.
Les ennuis judiciaires de Jean-Paul GUITTET
et l’attitude de l’Ordre des médecins à son égard :
1980, 1995, 2005, 2017… Jean-Paul GUITTET a fait l'objet de plusieurs plaintes et
signalements auprès de l'Ordre des médecins pendant près de 40 ans, par quatre
patientes et le mari d’une autre. L'instance ordinale est accusée de ne pas leur avoir
donné une suite sérieuse :
En 1980 : La première plainte est adressée à l’ordre des médecins de la Sarthe. C’est le mari
de Mme E. qui intervient. Il écrit au conseil départemental de la Sarthe que sa femme lui a
avoué avoir entretenu des relations sexuelles régulières avec le psychiatre.
Le « manège », raconte-t-il, a commencé « dès l’un des premiers rendez-vous avec le Dr
GUITTET ». « Ma femme, étant donné son état, répondit en pleurant à une question du
médecin. Celui-ci se leva alors et profita de sa faiblesse pour l’embrasser en la tutoyant. À
une prochaine consultation, après l’avoir flattée sur son physique, il lui proposa des
relations sexuelles. Elle céda. »
Ce signalement a fait l’objet d’une plainte devant la chambre disciplinaire régionale, qui a
considéré « qu’un doute existait sur la réalité des faits allégués en raison de la personnalité
même de Mme E », et qui n’a donc pris aucune sanction. La plainte n’est pas allée plus loin.
En 1995, c’est Mme Marie-Madeleine CHECA qui écrit au président de l’ordre des
médecins de l’époque, le Dr DACHARY. Elle affirme qu’en 1987, le « Dr GUITTET , lors
d’une consultation et sans mon consentement, n’a pas cessé de me toucher pour finir par me
“tripoter” le sexe et introduire un doigt dans le vagin, pour parler franchement ».
Elle explique dans ce courrier ne pas vouloir porter plainte, pensant que sa parole ne serait
pas prise en compte, mais dit vouloir laisser une trace pour l’avenir : « Je n’ai ni conseil ni
avocat. Alors je ne porte pas plainte contre le Dr GUITTET non plus : non pas par lâcheté
mais parce que je suis malade et que je ne supporterais pas que vous, Docteur DACHARY ,
vous me répondiez à propos de M. GUITTET : “C’est votre parole contre la sienne !” Est ce
que ma parole d’assistée sociale vaut moins que celle d’un Monsieur GUITTET , haut
placé socialement, mais qui s’est comporté avec moi de façon vulgaire, contraire à la
morale publique et à l’éthique médicale ? Mon témoignage vaut quelque chose tout de même
et j’espère que quelque part, il en sera tenu compte. »
Lorsque ce dossier est évoqué devant l’ordre des médecins en 2005, le psychiatre dénonce
des « affabulations totales » de la part « d’une patiente particulièrement difficile avec des
troubles caractériels sévères ». Marie-Madeleine CHECA est décédée en 2009. Elle s’est
suicidée. Son frère Albert, qui a autorisé à rendre publique son identité, a retrouvé dans ses
affaires un courrier évoquant ce viol. Il raconte une histoire familiale douloureuse, la fragilité
mentale de sa soeur, sa grande solitude.
Marie-Madeleine CHECA affirme avoir été violée. Selon le code pénal, toute personne qui a
connaissance « d'un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou
dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être
empêchés » doit les dénoncer aux autorités. Or la justice n’a pas eu connaissance de cette
plainte. Elle ne lui a donc pas été transmise par le président du Conseil de l’Ordre de l’époque,
Jean-Maurice DACHARY, psychiatre lui aussi. Toujours conseiller ordinal, il a été sollicité
par des journalistes sur ce dossier, en vain. Son successeur à la présidence du Conseil de
l’Ordre de la Sarthe, le médecin généraliste Frédéric JOLY, a reconnu en 2018 que « le Dr
DACHARY aurait sans doute dû transmettre ce signalement à la justice ».
En 2005 c’est Mathilde qui porte plainte à l’ordre des médecins pour viol. Et à Nantes, devant
la chambre disciplinaire régionale, la première instance ordinale, les choses ne se passent pas
trop mal. Mathilde a retrouvé son journal intime de l’époque …mais sa plainte est rejetée, au
niveau régional puis national
En 2016 Emmanuelle dépose plainte devant l’ordre des médecins pour viol. L’audience se
tient le 11 septembre 2017. Elle est accompagnée d’un avocat, l’affaire est médiatisée
localement. La décision de la chambre disciplinaire est un choc pour la jeune femme : Jean-
Paul GUITTET est interdit d’exercer pendant trois mois par l’ordre des médecins, parce qu’il
a admis « avoir adopté un comportement ambigu, en la prenant dans ses bras et en lui
caressant les cheveux ». Pour la chambre disciplinaire des Pays de la Loire, cette attitude
constitue « un manquement à l’honneur, à la probité et aux bonnes moeurs ». Le psychiatre
continue de nier les faits qui lui sont reprochés. Contacté par téléphone début décembre 2017
par Médiapart, il affirme de nouveau : « Je n’ai pas violé. J’ai l’impression d’avoir donné une
claque, et d’être accusé de meurtre. J’ai eu une attitude d’empathie mal interprétée, il y a
30 ans. Je suis devenu très prudent. J’ai été président de la Ligue des Droits de l’Homme, les
violences faites aux femmes sont un combat pour moi. J’ai vu 7 000 patients, 4 000 femmes.
Quatre fabulatrices parmi 4 000 femmes, c’est possible. ». Il fait appel de la
décision…Son interdiction d’exercice de trois mois a été suspendue, dans l’attente d’une
nouvelle audience devant la section disciplinaire de l’Ordre national.
Le 10 janvier 2018, après la saisie de la Justice Commune, il s’est retrouvé en garde à vue,
suivie d’une mise en examen avec information judiciaire pour « abus de faiblesse, viols et
agressions sexuelles » et interdiction d’exercer. Confronté à une cinquième personne
accusatrice, il a alors admis des relations sexuelles consenties et a fait appel. La chambre
d'instruction de la cours d'appel d'Angers a rendu sa décision le 7 fév. 2018 : il peut à nouveau
exercer son métier et recevoir une partie de sa patientèle, que des hommes, des garçons et
des jeunes filles de moins de 12 ans. Il lui est interdit d’accueillir dans son cabinet des
femmes et des adolescentes.
En septembre 2018, après 38 ans d’impunité ordinale, il sera radié par le conseil de
l’ordre des médecins…il avait alors 73 ans ! …la retraite a précédé la radiation !
ARTICLES et SOURCES PRINCIPALES :
FRANCE INFO - 29-10-2018
MÉDIAPART - Caroline COQ-CHODORGE - 16 janvier 2018
« Au Mans, l’ordre des médecins est resté sourd à des accusations de viols »
FRANCE BLEU – Yann LASTENET :
18 janvier 2018 :
« Affaire Guittet : pourquoi l'ordre des médecins n'a pas réagi plus tôt ? »
10 janvier 2018 :
« Un psychiatre sarthois mis en examen pour viols et agressions sexuelles »
18 octobre 2017 :
«Un psychiatre sarthois suspendu trois mois pour des gestes déplacés sur une de
ses patientes»
10 octobre 2017 :
« Accusé de viol, un psychiatre manceau comparaît devant l'ordre des médecins »
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