L’ordre des médecins face aux professionnels prédateurs sexuels
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Affaire Jean-François CORDIER
Ile de la Réunion - Saint Pierre
2009 – 2018
Bernard COADOU pour le MIOP - 8 mars 2021
La première affaire en 2009
Jean-François CORDIER (JFC), né en 1951, père de trois enfants, exerce comme généraliste et est membre du conseil départemental de l’ordre des médecins. Au mois d’octobre 2009, sa remplaçante découvre à son cabinet des photos pornographiques numérisées impliquant des mineurs. Elle alerte les autorités. Les enquêteurs découvrent alors une centaine de clichés que le parquet qualifie de «véritable abomination».
Une procédure est déclenchée. Au début, JFC se montre condescendant, "ne comprenant pas pourquoi on venait l’ennuyer avec ça" dixit le procureur. Puis il admet télécharger des photos depuis quatre ans pour combler une frustration : une maladie l’a rendu sexuellement impuissant en 2005, à l’âge de 55 ans ; il s’était rabattu à l’époque sur ces photos de mineurs. "Je me suis laissé entraîner dans un terrible engrenage", se justifie t’il. Les expertises psychologiques ne décèlent pas de dangerosité chez lui, en terme de passage à l’acte. Durant l’audience, il se repent, qualifiant ses actes d’ « honteux et inavouables ».
Il est finalement condamné, le 14 octobre 2010, par le Tribunal Correctionnel, pour téléchargement, détention et consultation d’images pédopornographiques. Il écope alors de 6 mois de prison avec sursis et d’une mise à l’épreuve de deux ans avec obligation de soins.
Le CDOM (conseil départemental de l’ordre des médecins) n’a intenté aucune poursuite disciplinaire. Un an plus tard, sous la pression de 131 médecins signataires d’une pétition, le CDOM s’est résolu à porter plainte.
Et trois ans après le procès pénal, il passe devant la juridiction de l’ordre des médecins. La sanction ordinale est prononcée en 2013 par la chambre disciplinaire de première instance, sous la forme d’un simple blâme. Elle constitue une clémence troublante à l’encontre de ce médecin qui s’est mis en retrait ordinal depuis la révélation des faits, mais qui se doit d’être encore plus exemplaire.
Parallèlement, l’ordre des médecins a porté plainte contre le praticien lanceur d’alerte, initiateur de la pétition, pour atteinte à la confraternité ...
Le parquet fait appel de cette décision de blâme, entrainant le passage en chambre disciplinaire nationale basée à Paris. Elle se prononce le 13 mars 2015 et inflige à JFC une interdiction d’exercer la médecine pendant 6 mois dont 4 mois avec sursis. La sanction est exécutée par JFC du 1er septembre au 30 octobre 2015.
JFC a récidivé dans le téléchargement de fichiers illicites. Cette nouvelle affaire d’images pédopornographiques est encore découverte de manière fortuite. L’alerte est venue d’une remplaçante qui, en mars 2016 lors de son passage dans le cabinet de la Ravine-des-Cabris, découvre des adresses étranges dans l’historique d'internet.
Une nouvelle affaire en mars 2016
Cette médecin s’inquiète d’autant plus, vu le passé du propriétaire des lieux. Dans la communauté médicale, tout le monde sait que J.F.C. a déjà été condamné pour détention et consultation d’images pédopornographiques. Elle clique et tombe sur des mosaïques de clichés explicites. « On y voit des enfants et adolescents dans des postures lascives. D’autres sont clairement pornographiques avec des jambes écartées. Et certaines présentent des scènes de relations sexuelles », détaille le tribunal. Sept photos téléchargées sont retrouvées dans la mémoire de l'ordinateur professionnel. Les policiers saisissent aussi l’équipement informatique au domicile du suspect. Celui-ci venait d’être "nettoyé" par un professionnel mais les enquêteurs parviennent tout de même à retrouver la trace de 740 photos plus que tendancieuses.
Cette fois ci, le conseil de l’ordre de la Réunion prononce une radiation dès le 19 septembre 2016. JFC fait appel pour passage en chambre disciplinaire nationale.
Il est par ailleurs mis en examen en juillet 2017 pour téléchargement, détention et consultation habituelle d’images pédo-pornographiques, placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d’exercer sa profession et même d’apparaître sur son lieu d’exercice professionnel, à savoir son cabinet situé Ligne des Bambous.
Le 7 décembre 2017, il est condamné à deux ans de prison dont 18 mois de sursis, à une amende de 4 000 euros. De plus il a interdiction d’exercer toute activité en lien avec des enfants pendant 10 ans. Il va aussi être inscrit au fichier national des délinquants sexuels. Il n’a pas été soumis à une obligation de soins.
Lors de cette deuxième affaire, l’ordre des médecins surajoute un élément troublant : il engage une procédure disciplinaire à l’encontre de son ancienne associée, elle aussi lanceuse d’alerte. Il lui est reproché d’avoir conseillé aux patients de ne pas laisser leurs enfants seuls avec ce médecin. Un principe de précaution que le conseil a pointé comme un manquement à la confraternité ... pour la sanctionner d’une amende.
------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Sources: Articles sur Clicanoo d’Etienne MVÉ les 5-7-17 et 10-11-17,
et de Cécile DE COMARMOND le 8 déc. 2017
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