Affaire d’Omerta Confraternelle :
Celle de Marc ADIDA, de 2010 à 2020,
condamné à 12 ans d’emprisonnement le 4 avril 2025
par la Cour Criminelle de Marseille.
Quelques éléments sur l’attitude de l’ordre des
médecins envers ce psychiatre prédateur sexuel.
Voici un exemple supplémentaire de la faillite ordinale systémique dans le
traitement des plaintes à caractère sexuel, que nous a révélée la Cour des Comptes en
décembre 2019. Les affaires en cours viennent confirmer les précédentes et révèlent
l’inutilité et la nocivité de cette juridiction...
La présente « Affaire ADIDA » est revenue sur le devant de la scène avec ce procès en Cour
Criminelle à Marseille qui s’est tenu du 31 mars au 4 avril et a concerné quatre personnes
victimes.
Il n’a donc pas l’ampleur du procès de Vannes relatif aux pratiques prédatrices de Joël Le
Scouarnec (J.L.S.), médecin lui aussi, qui passe simultanément en Cour Criminelle depuis le
24 février 2025. La procédure doit se dérouler jusqu’au 6 juin prochain ; le nombre de
personnes victimes dont les plaintes ont été retenues s’élève à 299.
Les caractéristiques de ces deux violeurs sont bien sûr singulières, J.L.S. semblant mieux
masquer ses comportements troubles dans sa « vie ordinaire »
Mais les leçons communes que nous pouvons tirer de ces deux affaires (qui s’ajoutent à celles
de nombreuses autres) évoquent les co-responsabilités diverses, individuelles et collectives :
elles sont des facteurs importants qui facilitent la mise en pratique d’actes ignobles et durables.
Et comme notre travail depuis 2020 (après le rapport de la Cour des Comptes du 9 déc. 2019)
se consacre durablement à examiner la responsabilité de « notre » Ordre des médecins dans ce
type de dossier, nous souhaitons confronter ses actes à ses beaux discours.
En effet cet Ordre n’hésite pas à se présenter en toutes circonstances (cf son communiqué du
13 février 2025) comme le « garant de l’intégrité de la profession médicale, le défenseur de
son image » et à prétendre constituer la « juridiction la plus adaptée et la plus efficace dans le
traitement des différents contentieux impliquant des médecins »….
…Essayons de voir ce qu’il en est en réalité … !
Le parcours personnel et professionnel de Marc ADIDA :
Né en 1973, Marc Adida a été diplômé en sciences et neurosciences à l’Université d’Oxford.
Puis il a fait le choix de la pratique médicale et est devenu ce psychiatre qui a été considéré
durablement comme très brillant.
Entré à l’Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille (AP-HM) en 2010, il devient
Professeur des Universités.
Il aura quelques troubles comportementaux intermittents. Ses supérieurs connaissent ses états
maniaques accompagnés d’un sentiment de toute-puissance. Il est même baptisé « Le Génie
Fou de la Psychiatrie » et décrit par ses pairs comme un « QI de 140 ».
En mars 2013, il présente à son domicile un épisode maniaque durant lequel il essaie
d’étrangler son épouse et menace de tuer sa fille de deux ans. Il se rebelle violemment face
aux gendarmes qui interviennent chez lui. Il est neutralisé par deux coups de Taser puis
hospitalisé sous contrainte. Il sera interné en hospitalisation d’office pendant trois mois.
Malgré cet incident, à sa sortie, il est jugé apte à exercer à nouveau la médecine, à condition
de se plier à une nouvelle expertise un an plus tard!!!
Et il sera choisi en 2014 pour diriger le Centre Cassiopée à l’Hôpital Sainte Marguerite de
Marseille. Il s’agit d’une Unité Fermée, où sont internés les malades les plus difficiles :
Il a cependant des ennuis à plusieurs reprises.
Le Pr Christophe Lançon a déclaré durant le récent procès qu’en 2013-2014, il est allé de
nombreuses fois alertéer les responsables de cette institution hospitalière pour leur dire que les
patients, les personnels, sa famille et lui-même étaient en danger. En décembre 2014, il écrit à
Marisol Touraine, Ministre de la Santé, au directeur de l’AP-HM et au procureur de la
République. Il évoque alors des situations d’emprise exercées par son collègue sur des patients
et des prescriptions démentes d’un dérivé d’amphétamine aux étudiants, allant jusqu’à une
posologie près de trois fois supérieure au maximum autorisé…
En 2016 Christophe Lançon est informé par une patiente que Marc Adida la viole lors des
consultations et a même tenté de la tuer en l’étouffant. Il essaie à nouveau de tirer la sonnette
d’alarme auprès de diverses personnes en responsabilité. Mais la rétractation de la personne
victime qui avait déposé plainte (elle la redéposera en 2019) a pour conséquence le classement
sans suite par le Parquet et met fin à la suspension du Dr Adida. Il est alors affecté dans le
service du Pr Jean Naudin. C’est ce même médecin qui avait signé son hospitalisation d’office
en 2013 et qui essaie d’organiser une « surveillance » de son collègue…
D’autres témoignages, nombreux, nous rapportent des éléments sur cette décennie 2010 - 2020
qui est celle de défaillances multiples ; elles ont permis à Marc Adida de se maintenir en poste
et de continuer à exercer.
Les épisodes judiciaires de Marc Adida, les co-responsabilités
institutionnelles et le rôle de l’ordre des médecins :
Il a fallu attendre le printemps 2020 et le signalement d’une patiente, une jeune femme de
19 ans, via une plateforme dédiée, pour que l’histoire se retourne : « J’ai été victime d’un viol
par un psychiatre. Dois-je m’adresser à vous ou y a t’il une procédure particulière pour les
docteurs ? » Cinq mois plus tard, Marc Adida est mis en examen pour viols répétés, entre
décembre 2019 et janvier 2020, en abusant de l’autorité conférée par ses fonctions. Il est placé
en détention provisoire. Il est également poursuivi pour agression sexuelle avec la même
circonstance aggravante au préjudice d’une autre de ses patientes, qui a déposé plainte deux
mois avant ce signalement. Là aussi, les faits ont été commis en consultation dans le bureau
du psychiatre à Sainte-Marguerite.
Au final, détenu depuis octobre 2020, Marc Adida est donc passé la semaine dernière en Cour
Criminelle à Marseille pour accusation de viols et d’agressions sexuelles aggravés sur quatre
de ses patientes. L’AP-HM et l’Ordre départemental des médecins étaient présents comme
parties civiles.
Il a été condamné à 12 ans de réclusion criminelle le vendredi 4 avril 2025 par la Cour
Criminelle des Bouches-du-Rhône (composée de cinq magistrats professionnels); elle lui a
accordé le bénéfice de l'altération partielle du discernement.
Elle a prononcé simultanément :
-un suivi socio-judiciaire de cinq ans à sa libération, avec injonction de soins et trois ans de
prison supplémentaires si ces soins n'étaient pas respectés ;
-une interdiction définitive de l'exercice de la médecine.
Selon son avocat, Me Christophe Pinel, Marc Adida n’a pas souhaité commenter publiquement
l'énoncé du verdict. Il continue de refuser sa culpabilité, niant avoir eu la moindre relation
sexuelle avec ses victimes, alors que les témoignages concordants des quatre plaignantes, qui
ne se connaissaient pas, ont dressé le portrait d'un médecin qui a abusé de sa position d'autorité
et de la vulnérabilité de ses patientes. Sa position est inchangée : c'est lui qui a été victime de
jeunes femmes souffrant de troubles érotomanes, le tout sur fond de complot professionnel au
sein de l'hôpital, visant à lui nuire. Il accuse « des applications électroniques » permettant
d’adresser des courriels et des SMS à sa place….
Nous espérons néanmoins que les personnes victimes et leurs proches aient quelques
apaisements à leurs souffrances post traumatiques que nous gardons en mémoire.
Nous souhaitons également partager nos interrogations relatives à certaines co-responsabilités
que nous relevons dans cette affaire.
Des insuffisances de notre système judiciaire ont été mises en exergue, elles ont été
reconnues par l’avocate générale Vinciane De Jongh. Elle s’en est excusée publiquement le
lundi 31 mars à l’audience.
Nous avons eu également la confirmation des défaillances multiples internes à l’AP-HM.
Différents acteurs internes les ont dénoncées et soulignent l’absence d’une véritable politique
de lutte contre les violences sexistes et sexuelles en son sein. Elles ont été reconnues par
François Crémieux, son directeur général depuis 2021. Il a exprimé publiquement son désarroi,
ses regrets et affirmé que des réformes internes d’envergure seront mises en place dans les
prochaines semaines : regroupement de l’ensemble de la psychiatrie adulte sous l’autorité d’un
seul département, mise en place de chefs d’unités fonctionnelles…etc
Mais du côté de l’ordre des médecins qui est peu loquace, le bilan apparait
catastrophique (il est selon nous à compléter par des enquêtes spécifiques, l’opacité de la
structure ne facilitant pas les choses…).
En effet, depuis 2010, le conseil départemental de l’ordre des médecins a reçu pas moins de
sept signalements à l’encontre de Marc Adida, principalement liés à des violences sexuelles
et sexistes :
Le premier date de février 2010 et concerne des propos déplacés envers une patiente
mineure. C’est la mère de celle-ci qui écrit alors au conseil de l’ordre (ainsi qu’à la
direction de l’AP-HM).
Une autre plainte a été déposée auprès de l’ordre en 2013, pour agression sexuelle
d’une patiente, qui était hospitalisée en secteur fermé et est décédée cette année-là par
suicide.
En 2014, l'ordre des pharmaciens des Bouches-du-Rhône alerte l'ordre des médecins
(et le directeur de l'Agence régionale de santé) au sujet d'un grand nombre
d'ordonnances de Ritaline émises par Marc Adida…
Le 6 octobre 2015, suite à un nouvel épisode de trouble comportemental de Marc
Adida, l’Ordre des médecins a reçu un rapport, déclarant le psychiatre "pas en état"
d’exercer la médecine,
Une autre plainte lui été adressée en 2016, accusant le médecin de viol.
Une quatrième plainte pour viol lui a été communiquée en 2019 par une patiente
qui simultanément a saisi la justice pénale et s’est constituée partie civile...
Face à une telle réalité, nous n’avons jamais entendu parler de sanction ordinale à l’encontre de Marc Adida …
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